Pensée impériale

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Nègres, negro, voilà comment ils nous appelaient. Pas pour designer notre personne mais surtout pour s’affirmer d’une quelconque prétention de suprématie qu’ils croyaient être détenteur et au nom duquel nous devons les servir, travailler à leur gré et satisfaire tous leurs caprices, richesses, gloires, plaisirs... Ils ont voulu nous faire croire que notre vie se résume à une simple pigmentation de la peau qui nous privaient de tout, de tout ce que qu’un être aurait dû avoir pour vivre comme hommes ou comme femmes doués d’une conscience et de raison. Tout est néant depuis que la peau n’est plus pale. Ce groupe d’individus, ces nations qui ont mis en extinction toute une civilisation du nouveau continent, nous nous souvenons. Pendant plusieurs décennies le monde a connu cette conception, cette atrocité à l’égard des autochtones de l’Amérique et de l’homme noir d’Afrique.

Néanmoins voir les choses uniquement de la sorte serait éludé un peu l’essence même de la pensé impériale. Il ne saurait y avoir de Spartacus si les motifs de leurs actions étaient seulement une question épidermique. Rome ne saurait dominer presque toute l’Europe et l’Asie pendant plus d’un siècle. Les raisons profondes sont en effet autres qu’une simple couleur de la peau, d’un préjugé racial. Leurs intérêts dans l’homme, dans les races humaines et dans les nations se rapportent à ceux qu’ils peuvent leur rapporter. La soif de l’or, de richesse, de gloire, de domination et d’assujettir constituent l’essence même de l’idéal impérial.

La proclamation de l’indépendance d’Haïti aux prix de poudres et de sangs marqua au 19e siècle le début de la décolonisation physique de l’Amérique. Un nouvel ordre mondial est alors en train de se dessiner aux regards inquiets de certains traditionalismes. Le statut quo de l’Amérique s’effondra et avec lui toutes les richesses qu’il représentait pour des géants impériaux. Il faut des correctifs. Des alternatifs contre les révolutions qui s’effectuent dans la Caraïbe, l’Amériques Latine et dans certains pays de l’Afrique pour qui des intérêts sont fortement considérables. Le colonialisme doit changer de posture. D’être moins visible et plus discret à travers ses faits et gestes. Nous pouvons dire d'une violence masquée dans leurs désirs afin d’éviter qu’une autre terrible révolution ne revienne et tout chambarder. Les colonies, surtout l’âme coloniale, au-delà de la décolonisation physique des Etats de l’Amérique, de la Caraïbe et de l’Afrique, doivent subsister. C’est de la toute une série de théories, de politique économique et d’organisations internationales œuvrent pour maintenir aussi longtemps que possible cette idéale.

L’histoire de la révolution de Saint-Domingue, aujourd’hui République d’Haïti, révèle la position de classe qu’affirmait le général Laplume vis-à-vis des insurgés, en combattant manu-militari ses frères de couleurs et de sangs. Traduisons-le comme nous le voulons, trahison ou reconnaissance servile, les réactions, les motivations de l’homme ne sont pas toujours compréhensibles au simple regard. Mais l’histoire raconte et essaie de nous faire comprendre les évènements, comme nous l’espérons tous, pour ne point commettre les mêmes erreurs du passé à l’avenir. Mais l’histoire est un perpétuel recommencement disons-nous souvent, Jean Baptiste Conzé répéta l’histoire sur l’occupation américaine (Haïti, 1915 – 1939) en trahissant le chef des insurgés d’alors, Charlemagne Péralte. Serions-nous donc surpris que des contemporains en fassent autant. Ce sont à présent ceux à qui nous avons pris peine de supporter et de marquer par nos doigts leur ascension aux plus hauts prestiges de la nation qui sont les sbires du néo-colonialisme. Leurs beaux discours nationalistes cachent très mal de nos jours l’odeur perfide de la nouvelle forme du colonialisme, de leurs nouveaux maitres.

Aimé Césaire déclara en 1943 : «Un des éléments, l’élément capital du malaise antillais, l’existence dans ces îles d’un bloc homogène, d’un PEUPLE qui depuis trois siècles cherche à s‘exprimer et à créer…Nous savons très bien ce que nous voulons ; la liberté, la dignité, la justice….L’esclavage pèse sur nous, c’est entendu. Mais lui attribuer à lui seul notre pauvreté actuelle, c’est oublier que sous le règne de l’esclavage, le nègre fut magnifique… A la cruauté, il opposa tantôt l’attente, tantôt la révolte, jamais la résignation ». (Panorama. Revue Tropiques 1943) Document d’accompagnement pédagogique - Commémoration Aimé Césaire - 2013/2014

Ministère de l’éducation nationale (DGESCO), Page 2 sur 5. Le réveil a déjà eu lieu parmi beaucoup de nations qui commencent à identifier la source de leur problème et il est tant que nous sortons de notre indifférence à notre état de peuple. La liberté est une utopie. Et le plus drôle beaucoup croient encore que nous décidons de notre propre sort, que nous sommes les seuls responsables de nos malheurs. Notre autodétermination est compromise. L’indépendance, un leurre que habilement ils nous cherchent à faire croire quand, derrière de soi-disant institutions dites démocratiques et d’idéal de partage de pouvoir, existent de solides ficelles. Nous ne décidons plus de nos orientations, de ce que nous voulons, de ce qui nous ferons du bien. Ils s’en fichent pas mal de notre dignité de peuple puisque tout ce que nous représentons n’est autre qu’un marché lucratif. Comme au temps de la colonie le commerce avec le nouveau monde rapportait gros. Nulle notion de justice, d’équité n’y figure. C’est la pauvreté planifiée, et de l’autre coté la richesse assurée. La notion de justice dans les pays du tiers monde renvoie à une double problématique. Le système politique et économique imposé par le nouvel ordre économique mondial crée non seulement une disparité entre les nations riches et les nations pauvres dans leur relation de dépendance mais aussi il alimente le clivage qui existe entre les différentes classes sociales des sociétés. Le néo-libéralisme n’a-il pas prôné un désengagement de l’Etat dans les activités sociales au nom d’une théorie de réglementation des dépenses publiques ? De l’autre coté nous avons la détérioration des termes de l’échange dont le néo-libéralisme et toutes les politiques qui l’accompagnent alimentent d’année en année en une extrême pauvreté, les disparités sociales et économiques, et de ce fait, éloignent les perspectives d’une justice sociale. Pendant ils ne nous veulent pas supporter nos secteurs de la production, eux ils soutiennent les leurs.

Depuis des siècles les pays du Nord mènent une guerre contre ceux du Sud. Plutôt devrions –nous dire un massacre. Toutes sortes de politiques institutionnelles, politique économie, de théories et des ajustements structurels, des ingérences politiques grossières sont mises en œuvre pour assoir leur domination, leur exploitation à outrance. Plus rien ne les retiennent pourvu qu’ils parviennent à leurs fins. Quand les griffes s’enfoncent dans notre chair et que coule notre sang, nous ne pouvons nous empêcher de crier haut et fort à de telles souffrances, de telles calamités d’une gourmandise sans limite du néo-colonialisme. Mais quand nous crions nous ne pleurons pas. Plutôt nous nous défendons comme nous l’avons déjà fait, comme des pays des pays de l’Amériques Latines et de la Caraïbe le fait actuellement. Une fois de plus les masques sont en train de tomber et le dessous des rideaux montrent les véritables acteurs, artisans de malheur des peuples opprimés. Jamais les noirs de Saint-Domingue ne s’étaient abandonné à leur sort ; « à la résignation ils ont préféré l’attente et la révolte » dixit Aimé Césaire. L’heure de l’attente est révolue ! Nous avons droit à définir notre destin. Ne nous appelle plus nègres. Nous sommes votre égal. Nous sommes des hommes et femmes de couleurs noirs. Nous sommes de la Caraïbe, de l’Amérique du Nord, de l’Amérique Latine, de l’Afrique. Nous sommes tout aussi bien des haïtiens et haïtiennes.

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